Avril 2012 – Caen : la déportation gay et lesbienne enfin reconnue


(article publié le 25 avril 2012)
C’est une grande première à Caen où l’association LGBT, Les Enfants Terribles, est pour la première fois officiellement invitée à la cérémonie de la « Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation » à Caen par les autorités locales.
Au cours de la seconde guerre mondiale, des gays et lesbiennes ont été arrêtés, incarcérés, transférés vers les camps de concentration, exécutés et torturés. Après la guerre, contrairement aux « autres communautés » de déportés, les déportés gays et lesbiennes n’ont pas été reconnus officiellement. Depuis les années 90, l’Etat a reconnu la déportation homosexuelle au même titre que les autres déportations mais l’application locale de cette reconnaissance reste toujours difficile.
Cette année, l’association Les Enfants Terribles participera, à la même hauteur que les autres associations, au financement de la gerbe associative qui sera déposée au cours de la cérémonie. A l’issue de la cérémonie, les autorités salueront l’association LGBT au même titre que les autres présidents du monde associatif invités à cette occasion.
Pour revenir au contexte local, il faut savoir que les associations Gays et Lesbiennes n’avaient pas le droit de participer aux cérémonies du souvenir à Caen jusqu’à aujourd’hui, contrairement à Rouen où l’acceptation des associations LGBT est acceptée depuis 2010 par la mairie. Ainsi, dans ce contexte délicat, les années passées, l’association Les Enfants Terribles organisait une deuxième cérémonie une fois la première cérémonie « officielle » terminée. Une gerbe de fleurs était déposée à cette époque après les officiels mais il arrivait  qu’elle était volée alors que les autres gerbes étaient toujours en place quelques heures plus tard.

Le rendez-vous est donc acté

(les cérémonies sont publiques, vous pouvez y assister)
La cérémonie du souvenir se déroule partout en France le dernier dimanche du mois d’avril.
La cérémonie aura lieu dimanche 29 avril à 11h, place de la Résistance à Caen.
A noter qu’à Rouen, au même moment, aura lieu la cérémonie du souvenir à 11h au Palais de Justice en présence de l’association LGBT Droit de Cité en tant qu’invité officiel.

Pour aller plus loin…

Voir le site de l’association Les Enfants Terribles (cliquez ici)
Voir le site de l’association LGBT Droit de Cité (cliquez ici)

Comprendre ce que cela signifie

Il ne s’agit pas d’événements d’un « autre âge », il ne s’agit pas de dire « c’est du passé, c’est loin ». Il s’agit d’homophobie d’hier et d’aujourd’hui.

Après la guerre, la très grande majorité des déportés homosexuels a disparu dans l’anonymat. L’absence de reconnaissance officielle de cette déportation spécifique, l’absence jusque dans les années soixante-dix d’un militantisme homosexuel constitué, le silence des intellectuels et le peu d’intérêt des chercheurs et des historiens pour “une question qui n’existe pas” ont longtemps occulté une réalité qui s’est peu à peu estompée dans la mémoire collective.
Dans les camps nazisles déportés homosexuels doivent porter un triangle rose, pointe tournée vers le bas, qui les identifie comme tels. La hiérarchie concentrationnaire les place au plus bas de l’échelle sociale des camps, ce qui ne leur permet guère d’entretenir des relations d’entraide avec les autres déportés et d’améliorer ainsi leurs chances de survie.
Qu’importe le chiffre, qu’il y ait eu 2000 déportés homos, 200 ou même un seul. La question doit être posée.
Notre génération lisant ses quelques lignes doit se sentir concernée.
Le simple fait de dire que la déportation homosexuelle n’a pas existé est un acte homophobe.
Le fichage des homos par la police française avait déjà commencé avant la seconde guerre mondiale. Pendant l’occupation, le gouvernement de Pétain a transmis volontairement ce fichier. Arrestations après arrestations, les homosexuel(le)s ont été déportés. Le gouvernement de Vichy a promulgué une loi interdisant tout rapport sexuel entre deux personnes de même sexe sous peine d’emprisonnement.
A la libération, le Général de De Gaulle a confirmé cette loi. En 1960, ce même gouvernement a renforcé les dispositions contre les rapports homosexuels. Il a fallu attendre 1981 avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir pour abolir ce délit d’homosexualité.
Les insultes et agressions homophobes ne sont pas anodins, l’histoire est liée. Renier ce qui s’est passé entre 1939 et 1945 c’est avaliser la législation contre les actes homosexuels, c’est rendre légitime l’homophobie.

Reconnaître la déportation homosexuelle est un acte citoyen contre l’homophobie.

Pendant longtemps la communauté homosexuelle a été humiliée par de nombreux élus et associations de déportés, piétinant les fleurs et arrachant les rubans de la commémoration. Je me souviens des insultes et des crachats pendant la cérémonie. Des moments très durs. Aujourd’hui certaines autorités locales participent et reconnaissent la déportation homosexuelle même si, encore, des quolibets peuvent se produire par un certains public. Mais dans de nombreuses villes la déportation homosexuelle n’est toujours pas reconnue.
Ce n’est pas un combat d’arrière garde. Il est vrai que la déportation homosexuelle s’est passé il y a plus de 70 ans, mais les démons n’ont pas disparu : agression après agression, l’homophobie et la haine n’ont pas changé.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour ces hommes et femmes victimes d’homophobie. C’est bien connu, si on n’a pas de passé, on n’a pas d’avenir.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour l’avenir, contre l’homophobie d’aujourd’hui et de demain.
Plus d’infos :
En 1994, un déporté français en raison de son homosexualité a décidé de raconter son histoire.  Il s’appelait Pierre Seel. Il est décédé en novembre 2005. Son témoignage est bouleversant. Un livre à lire absolument : Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel.
Voir également un téléfilm diffusé sur France 2 “un amour à taire”, disponible en DVD
Plus d’info : voir le site “devoir et mémoire” (ici)

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