Scandale sur l’adoption : l’acte manqué du Département de la Seine-Maritime et des associations

Suite à la polémique sur l’instruction des procédures d’adoption des couples homosexuels en Seine-Maritime, le Département avait convié des associations à une réunion d’échange ce mardi 26 juin.
Force de constater que celle-ci n’a pas été à la hauteur des espérances pour certain.e.s. Un rendez-vous manqué doublé d’une erreur de casting…

Scandale sur l'adoption : simulacre de concertation orchestré par le Département de Seine-Maritime

Ce mardi midi, à la sortie de l’hôtel du Département de la Seine-Maritime, elles étaient très agacées. Par l’intermédiaire de l’association HES (Homosexualité et Socialisme), proche du PS, des associations LGBTI ont été conviées à une réunion d’échanges avec des élus du Département. Cette réunion avait pour but de discuter des suites à donner à la polémique concernant les propos, notamment homophobes, de la responsable du service adoption.

Erreur de casting ?

Autour de la table, ce n’était pas la foule des grands soirs. Trois associations sont présentes : HES (Homosexualité et Socialisme), Escalier LGBT (émission de radio), Aides (experte dans la prévention du vih et de l’accompagnement des malades) et Gay’T Normande (association de lutte contre les discriminations sur Rouen). En face : trois vice-Président.e.s du Département : Marine Caron, Nathalie Lecordier et Bertrand Bellanger.

Rapidement, les deux représentants de Gay’T Normande s’interrogent sur l’absence d’autres associations représentatives, celles qui oeuvrent sur le terrain contre l’homophobie mais aussi des associations homoparentales, premières intéressées sur le sujet.

Aucun autre association ne semble avoir été conviée à cette réunion.

Homophobie en Seine-Maritime, les couples homosexuels ne peuvent adopter que des enfants « atypiques »

Les deux représentants de Gay’T Normande proposent que d’autres associations LGBT participent à la réunion. Ils informent les élus que leurs représentants sont devant le bâtiment à cet instant et suggèrent de les faire venir. Contrairement à leurs déclarations dans la presse, Nathalie Lecordier, vice-Présidente, refuse de les accueillir. Finalement, ils resteront en petit comité.
Dans ces conditions, Gay’T Normande décide de quitter la réunion et de rejoindre les autres associations exclues de la réunion. L’association considère que ce tour de table est trop restreint et peu représentatif des forces associatives. Les autres associations qui n’ont pas eu droit de cité au Département sont Le Refuge, le Centre LGBTI de Normandie, Normandie Pride et le GETIN (groupe d’entraide transgenre et intersexe Normandie), Contact, Coming-Out, Laisse Bien Ta Gaité (photos ci-dessus).

Associations non légitimes…

Dans un communiqué, ce collectif d’associations s’est sentie exclue et dénonce le caractère illégitime des participants à la réunion d’échanges : « nous regrettons le fait qu’à nouveau, le Département prenne à la légère le cas des enfants et de leur placement, en ne conviant que peu d’associations expertes sur la question ». Selon ce même communiqué, elles regrettent l’absence d’associations homoparentales : « Comment légitimer ce travail alors qu’aucune association de parents n’est présente ? » Les associations ont également estimé qu’il était important de ne pas résumer cette polémique à la seule question de l’homophobie mais aussi d’évoquer les propos discriminatoires liés au handicap des enfants par exemple. Le collectif associatif ajoute : « nous demandons une véritable table ronde avec des personnes et des associations légitimes pour représenter tous les modèles de familles ».

Homophobie en Seine-Maritime, les couples homosexuels ne peuvent adopter que des enfants « atypiques »

De son côté, le représentant d’HES (Homosexualité et Socialisme), Arnaud Hadrys (également conseiller départemental PS suppléant sur Rouen) a déclaré ne pas avoir apprécié, le « sketch », selon ses propres mots, de Gay’T Normande : « les autres associations sont restées pour discuter avec les élues. Gay’T Normande a raté une occasion. La politique de la chaise vide n’est jamais bonne, mais cette mise en scène était orchestrée à l’avance. Le communiqué de presse était déjà diffusé alors que la réunion avec les élus venait à peine de se terminer. »
Lors de la réunion avec le Département, les élus de la collectivité ont finalement présenté le bilan de la situation de l’adoption en Seine-Maritime aux autres associations restées à la table. Ils ont confirmé qu’il y aurait bien un audit sur le service d’instruction des adoptions. Le Département s’est engagé à rendre public les conclusions de cette inspection, sans préciser de délai.
Questionnés sur la présence d’associations LGBT au « Conseil de Famille » (instance de décision des demandes d’agrément), les élus ont indiqué réfléchir à cette possibilité. Enfin, ils ont invité les associations LGBT à une nouvelle rencontre pour faire le point sur l’état d’avancement de la situation et des conclusions de l’audit.

Mais avec quelles associations ?

Interrogé sur l’absence d’associations homoparentales à la réunion, Arnaud Hadrys d’HES nous a précisé que « l’Association Des Familles Homoparentales (ADFH) avait été invitée mais que ses représentants ne pouvaient pas se libérer. Par ailleurs, du fait du dépôt de plainte contre le Département, leur présence était délicate pour eux », ce que l’ADFH a confirmé à Gaynormandie.
Pour les autres associations exclues, le responsable d’HES a considéré que « ces associations n’étaient pas légitimes sur le territoire pour un travail apaisé ».  HES (Homosexualité et Socialisme) n’a pas apprécié les positions apolitiques de Normandie Pride pour la marche des fiertés, ni le positionnement politique des autres associations (LBTG et le Centre LGBTI de Normandie) qu’il juge « trop radicales ».
Néanmoins, la question pourrait également se poser sur la légitimité d’inviter Aides ou l’Escalier LGBT (émission de radio). Quelle légitimité sur ce dossier ?  Est-ce à HES de dire qui est légitime ? Il semble que le conseiller départemental PS suppléant sur Rouen n’ait pas voulu crisper les élus du Département.

Homophobie en Seine-Maritime, les couples homosexuels ne peuvent adopter que des enfants « atypiques »

Mésententes associatives

L’exclusion d’associations à la table du Département ressemble plus à un règlements de compte et de guerre de chapelles. Depuis de nombreux mois, voire d’années, le climat inter-associatif LGBT a tendance à se dégrader en Normandie et plus particulièrement sur Rouen et sa région. Toutes ont une conception différente de la vie associative. C’est naturel. Mais sans s’en rendre compte, chacun tente de tirer la couverture à soi-même. Et quand on ajoute une pincée de politique, c’est le drame. Encore plus quand les querelles de personnes s’immiscent dans les rouages. Au final, les associations LGBT ont des difficultés à se faire confiances entre elles… sauf quand il s’agit de combattre un ennemi commun… voir le vieille adage : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».

Il n’est pas encore l’heure de vous raconter le feuilleton associatif rouennais à la façon Dallas-Ton-Univers-Impitoyable, mais c’est un peu ce qui s’est passé ce mardi 26 juin sur Rouen.

Hélas, cette situation a crée une victime inattendue lors de cette journée. « La lutte contre les discriminations dans l’adoption » s’est retrouvée perdante comme un dommage collatéral. En dépit des apparences, le département de la Seine-Maritime a une lourde responsabilité. Il est regrettable que l’institution n’ait pas pris conscience de l’immense attente de la communauté LGBT. Son président Pascal Martin aurait pu organiser cette rencontre avec le monde associatif sans déléguer cette tâche à une association politique. Soit cela prouve sa méconnaissance du monde LGBT, soit il s’est servi d’HES pour manipuler et tuer dans l’œuf la contestation. Qui se sert de qui ?

Le Département semble éviter le sujet. Au-delà des associations homoparentales, d’autres associations LGBT œuvrent pour lutter contre les discriminations notamment homophobes. C’est le cas du Centre LGBTI de Normandie ou du Refuge. Le Département aurait très bien pu les inviter même en cours de réunion. C’est une évidence.

Homophobie en Seine-Maritime, les couples homosexuels ne peuvent adopter que des enfants « atypiques »

Et maintenant ?

Selon nos informations récoltées auprès de la Collectivité, lors de la réunion avec les élus du Département, aucune revendication concrète n’aurait été formulée. De leur côté, les associations exclues et maintenant unies dans ce collectif portent de leur côté des revendications précises. L’APGL (Association de Parents Gay et Lesbien) aurait rejoint ce collectif ce 27 juin.

Les associations considèrent que la mise à pied à titre conservatoire de la responsable de l’adoption est insuffisante. Elles demandent sa destitution au sein de l’ensemble des services sociaux du Département.
Sur les procédures d’adoption, les associations LGBT demandent notamment plus de transparence sur le Conseil de Famille (instance pour l’agrément des adoptants). Elles réclament la remise à plat des procédures avec des critères plus précis et l’anonymisation de certains critères sur les dossiers des adoptants. Enfin, la création d’un observatoire de l’adoption a été relevé par le collectif.

Après l’échec de la rencontre avec les élus du Département, les associations LGBT qui se sont senties exclues « souhaitent obtenir un rendez-vous afin de discuter et de reprendre le dialogue avec les institutions ».

Le collectif associatif n’a pas pour objectif de favoriser l’adoption pour les couples homosexuel.le.s. Son objectif est « de s’assurer que chaque dossier soit traiter à égalité sans discrimination. »

Sur cette polémique des procédures d’adoption, on retiendra le silence gênant des autres associations non LGBT. Dans son récent communiqué de presse, l’association Enfance et Famille d’adoption 76, dont un de ses représentant est au « Conseil des Familles » via l’UDAF (association familiale) ne s’est pas prononcé sur le caractère homophobe de la polémique, ni condamné clairement les propos de la responsable d’adoption…
…la communication est toujours une chose compliquée.

Pour aller plus loin

Communiqué de presse du collectif
Article sur la polémique au Département
Témoignage adoption RTL

Dernières infos en Normandie

Pride 2024 : les dates en Normandie : Rouen, Caen, Le Havre, Alençon, Vernon…

Pride 2024 : le calendrier se dessine, s'affine... Comme chaque année, voici le calendrier des marches des fiertés 2024 en Normandie.

Un weekend fétichiste en Normandie dans une communauté chaleureuse

En Normandie la Communauté Fétichiste est pleine d'ambitions. Depuis 2023, les fétichistes développent leurs activités dans la région...

Bénédiction des homosexuels par l’Église, des divergences en Normandie

Le Vatican autorise la bénédiction des personnes homosexuelles. Une petite révolution mais le flou demeure... En Normandie, qu'en est-il ?

Faute de bénévoles, la Pride de Caen 2024 menacée. L’appel du Centre LGBTI

Comme un appel au secours, le Centre LGBTI a besoin de bénévoles pour l'organisation de la Marche des Fiertés 2024 sur Caen...

Autres infos LGBT+ en Normandie

Le Magazine LGBT+

Les guides LGBT en Normandie

spot_img
spot_img