Homophobie : délation à l’Académie de Rouen

Pour cette rentrée 2007, les vieux démons de la collaboration et de la dénonciation font leur retour. À l’Académie de Rouen, un enseignement doit quitter son poste car homosexuel.

Education LGBTI
(illustration – photo : NeONBRAND d’Unsplash)

C’est un enseignant qui alerte Gaynormandie sur cette situation. Nous préservons son anonymat. Il raconte : « les profs ont intérêt à museler leurs fantasmes sur le ne. ils doivent taire leur homosexualité à une Administration à l’homophobie inavouée ». Un professeur de l’Académie de Rouen a été « dénoncé » par ses collègues et ses élèves… car homosexuel.

Le récit d’un enseignant de l’académie de Rouen

Au lycée Le Corbusier (Saint Etienne du Rouvray en Seine-Maritime – Agglo de Rouen), cette prérentrée est particulière. L’absence d’un collègue est dans toutes les têtes. Mais peu de monde ose parler. Chacun préfère évoquer les traditionnels bavardages sur les vacances et les difficultés à gérer les classes.

Chacun attend avec impatience de connaître son futur emploi du temps dont la distribution se fera traditionnellement à la fin de la réunion plénière. Quelqu’uns toussent, s’agitent, discutent entre eux comme le feront leurs propres élèves dans leur classe.

L’attention est par contre exemplaire lorsque monsieur Thierry Monflier, proviseur, aborde un sujet qui glace l’atmosphère et plombe l’ambiance des retrouvailles. il rappelle à l’ensemble des personnels que monsieur X, professeur de français, nous a quitté de son plein gré. Il précise que toute rumeur ou réaction à cet évènement seront sévèrement réprimandées par l’administration. Il ajoute qu’il n’hésitera pas à faire remonter les noms des personnes concernées aux plus hauts responsables hiérarchiques… ambiance.

La morale de l’établissement ?

Madame Y, enseignante, doit être particulièrement mal à l’aise, celle pour qui la mutation d’office de monsieur X était nécessaire au maintien de la morale dans cet établissement.

Après un silence pesant, la réunion suit son cour et chacun récupère enfin à l’appel de son nom son emploi du temps si attendu.

Repas froid et apéritif attendent les profs. Certains osent quelques commentaires à voix basses au sujet de l’affaire qui fâche et divise. Monsieur X a tout de même affiché depuis toujours son homosexualité, quitte à supporter les quolibets et les insultes répétées d’élèves et de quelques uns de ses collègues plus sournois sans doute. Il a même osé comme des millions d’autres internautes pratiquer la drague sur les si nombreux sites spécialisés sur le net depuis la mort du minitel rose.

Sur ces sites pour adultes, les personnes doivent créer un compte avant de pouvoir dialoguer en direct avec d’autres personnes et pour consulter les profils. Sur les profils, l’âge, le lieu d’habitation et l’orientation sexuelle sont affichés. Mais aussi les attentes diverses, la description physique et souvent une ou plusieurs photos. Les utilisateurs peuvent y dévoiler tout ou partie de leur corps.

rencontre internet
(illustration : photo rfranca Getty Licence Canva)

Rien d’interdit

Rien de choquant, ni d’interdit. Les personnes majeures s’y connectant savent ce qu’elles peuvent y trouver. Mais les mineurs n’ont pas leur place.

Les différents dispositifs de contrôle parental ne permettent pas l’accès à ce type de site. Mais ils doivent être réellement activés par les adultes, les parents. Les mineurs n’ont pas à voir leurs enseignants sur un site de rencontre qu’ils soient homosexuels, bisexuels, hétérosexuels… .

Et pourtant… le mal a été fait. Des élèves se sont inscrit illégalement sur le même site de rencontre que leur professeur… Ils ont vu les photos de leur professeur. Puis, ils ont répété les faits à d’autres enseignant dont madame Y. Cette dernière a écrit une lettre de délation à l’Académie de Rouen et au proviseur.

Il a été en effet convoqué au rectorat de Rouen. Ses supérieurs lui a proposé cette mutation en échange de « l’absence de poursuite  disciplinaire qui le menaçait d’une suspension ou d’une démission des ses fonctions d’enseignant. » Sous cette menace injustifié, monsieur X s’est vu muté d’office.

La peur au ventre

Aurait-il été inquiété si il était hétérosexuel ou utilisé un site dit « hétérosexuel » comme Meetic. Pour beaucoup d’enseignants, ce triste épisode représente une attaque homophobe de l’Académie de Rouen. L’administration paraît rétrograde et rétive à l’évolution de la société.

Monsieur X a donc fait sa prérentrée dans un nouvel établissement dans l’indifférence totale, sans doute la peur et le déshonneur au ventre.

Comment une institution de la République peut-elle se comporter de la sorte si ce n’est la résultante d’un comportement foncièrement homophobe ?

La première des réactions de l’enseignant dénonciateur aurait été d’apprendre la tolérance à ses élèves…

L’échec est cuisant pour l’académie de Rouen, l’école de la République a crée un nouveau délit : être homosexuel.

La lettre de dénonciation…

Ce document a été distribuée au personnel de l’établissement pour permettre la circulation rapide de l’information. « professeur non respectable… , les enfants inquiets ainsi que les familles… »

Académie de Rouen (homophobie)

Académie de Rouen (homophobie)

Académie de Rouen (homophobie)

Pour aller plus loin…

L’homophobie dans le milieu scolaire

L’Éducation Nationale mise en cause

L’association SOS homophobie, à l’heure de la rentrée, dévoile des chiffres inquiétants de l’homophobie en milieu scolaire. L’association, qui vient de publier son rapport annuel 2007, accuse l’Education Nationale dans un communiqué sans appel, dont voici l’intégralité :

SOS homophobie a réalisé une étude à partir d’une enquête réalisée à l’échelle nationale (principalement par le biais de son site web) en 2005-2006. Les résultats portent sur 712 réponses au questionnaire. Les chiffres sont édifiants. Oui, l’homophobie à l’école est une réalité. Non, l’Education Nationale ne fait pas ce qu’il faut pour la combattre.

SOS homophobie interpelle à nouveau les autorités publiques pour la mise en place, conformément aux engagements du Président de la République, d’une véritable politique de lutte contre l’homophobie.

Résultats

Les participants représentent 67 %, les participantes 31 %. Leur moyenne d’âge est de 27 ans et 48% ont entre 15 et 25 ans. 58% des personnes interrogées déclarent avoir été victimes ou témoins d’actes homophobes. (Répartition par sexe : 59 % des participants à l’enquête, 55 % des participantes)

Où ?

Le lycée (40 % des cas) et le collège (38 %) sont les lieux privilégiés de ces actes homophobes.

Quelles sont les formes de l’homophobie ?

Moqueries (29 % des cas) et insultes (26 %) en sont les manifestations principales. Un chiffre est préoccupant : dans 5 % des cas il y a coups et blessures. Ces faits sont souvent renouvelés ou permanents (46 %). Autre information inquiétante : 21 % des personnes interrogées déclarent avoir été victimes ou témoins d’homophobie de la part de l’institution (encadrement, administration).

professeur
(illustration – photo : PixelFit Getty Licence Canva)

Quelles en sont les conséquences ?

Elles sont alarmantes (plusieurs réponses possibles par questionnaire) : Baisse des notes : 16 %, mal-être, déprime : 35 %, conduites à risques 9 %, tentatives de suicide 5 %.

Quelle est la réaction de l’institution ?

Ces faits restent souvent ignorés des adultes. En effet 44 % des victimes n’ont jamais osé en parler. Quand la situation est connue, seulement 5 % d’entre-elles ont reçu un soutien de la part de l’encadrement (et 20 % d’entre-elles ont été soutenues par des amis)

Quel est le jugement des victimes ?

Il est sans appel : 89 % pensent que l’homophobie est passée sous silence dans les manuels scolaires et 79 % par les enseignant-e-s. 88 % sont d’avis que l’Éducation Nationale ne fait pas ce qu’il faut et 90 % d’entre-elles pensent que les personnels devraient être formés à la lutte contre l’homophobie.

L’intégralité de cette étude est disponible sur notre site web.
Face à ces chiffres SOS homophobie renouvelle ses appels.

L’institution doit faire des gestes forts, les personnels doivent être formés (IUFM, formation continue), les élèves doivent être sensibilisés, les programmes et les manuels ne doivent plus passer sous silence les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.

Ce sont en effet l’ignorance et les clichés qui constituent le terrain de l’homophobie, de la lesbophobie et de la transphobie ordinaires.
Les associations peuvent obtenir un agrément auprès des rectorats pour effectuer des actions de sensibilisation en milieu scolaire.

Former le personnel enseignant

Des associations sérieuses qui demandent cet agrément voient trop souvent leur demande refusée, ou plutôt non réellement examinée, sous les prétextes les plus fallacieux : les dossiers ne sont pas parvenus, ou bien il manque une pièce ou, pire encore, sous prétexte que l’association aurait en fait pour but de « faire des rencontres », ou bien que l' »action de l’association, telle qu’elle est présentée, doit s’adresser en priorité aux adultes membres de la communauté éducative » ou encore que « l’orientation sexuelle, comme l’appartenance politique ou confessionnelle, relève d’un choix personnel et privé » (selon les termes employés dans des notifications de refus d’agrément).

Certes, il faut former les personnels de l’Éducation Nationale. SOS homophobie est prête à relever le défi. Mais l’enquête démontre que rien ou presque n’a été fait au niveau des IUFM et des plans académiques de formation (formation continue des personnels).

école LGBT
(photo Unsplash : Sharon McCutcheon)

Affichage ?

Et quel usage font les autorités rectorales des trois circulaires ministérielles qui ont mis la lutte contre l’homophobie dans les établissements scolaires à l’ordre du jour et recommandent l’intervention d’associations partenaires si possible agréées ? Ces circulaires n’auraient-elles d’autres fonctions qu’un effet d’affichage ?

Nicolas Sarkozy a pourtant déclaré dans le magazine Têtu d’avril 2007 : « tout ce qui peut être fait à l’école pour expliquer que la différence est une richesse et pas un risque, je le favoriserai ». Pendant la campagne électorale, il avait aussi indiqué : « Il me parait également important de sensibiliser l’ensemble des adolescents sur la question des différences et de l’homophobie au cours de leur scolarité ».

Pour faire le point sur la situation internationale et le retard de la France en la matière, des associations réalisant des interventions en milieu scolaire et des syndicats ont organisé un colloque du 16 mai (interventions audio disponibles sur notre site). Suite à celui-ci, un collectif d’associations a pris la décision de solliciter un rendez-vous avec le Ministre de l’Éducation Nationale pour faire le point à ce sujet.

Ligne d’écoute

Bien qu’ayant reçu l’agrément d’une Académie, SOS homophobie, victime comme les autres associations de tracasseries et de refus pour une autre demande, va intenter un recours devant le Tribunal Administratif et se joindre à la saisine de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité (HALDE), faite par l’association Couleurs Gaies sur le refus d’agrément qu’elle a reçu de l’Académie de Metz.

Site internet de SOS HOMOPHOBIE : SOS homophobie assure un service d’écoute téléphonique nationale pour les personnes victimes ou témoins, d’actes ou de discriminations homophobes. Ce service est anonyme au 01.48.06.42.41

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